Transclivage et citoyen déclive: Bayrou / Ségolène



(publié la première fois le 5 juillet 06) Pour Monsieur Bayrou de l'UDF et pour beaucoup de commentateurs éclairés, il n'existe plus de gauche et de droite. Déjà le CERES, dans ses conférences-débats, la gauche du PS, disait dès 1981 qu'il n'y a plus de lutte de classe, il n'y a qu'un seul front de classe. Le ton était donné. La trahison vient toujours de sa propre famille. L'amollissement de la gauche entamé à sa gauche sous Mitterand-1, tanné pendant presque 30 ans à fleur de peau par la droite globale, s'était ensuite accompli dans une sublimation bourgeoise de la-dite gauche caviar, qui avait au moins les mérites des fastes et des banquets républicains. Cette gauche se croyait drôle, et comme les produits financiers commençaient sous son règne à caracoler de sommet en sommet, les gens de droite la remerciaient ouvertement et rapatriaient les capitaux de Suisse. La République française avait appris sous la gauche à cracher du cash et à évincer l'ouvrier, maître d'oeuvre de l'ouvrage. Cette sublimation bourgeoise de la gauche caviar s'est transformée ensuite en absence de la gauche qui elle-même est devenue une donnée existentielle pour les petites gens qui n'ont que leur temps et leurs compétences à proposer comme valeur. Mais dans l'absence il y avait encore l'espoir d'un retour. Or la gauche susceptible d'être un groupe de gouvernement n'existe plus depuis Mitterand-2. Le P(S) finaude des projets destinés à n'effrayer personne, ni les médias, ni lui-même.


Les petites gens seront-elles désemparées pour autant? Une autonomie de pensée s'était déjà fait jour pour le référendum du TCE le 29 mai 2005. Les petites gens ont sans doute continué à se réapproprier leur capacité de jugement et de décision. Malheureusement le système politique ne garantit que des alternances de personnes, pas de projets de société. Donc pas de lutte des classes, mais une lente agonie d'un seul front de classe.

Cléopâtre, dulcinée intime de Monsieur Sarkozy, est transcourant. Si Sarkozy prétend vouloir garder les 35 heures pour les employés qui en font la demande, elle fait son marché chez Monsieur Villiers, l'associé présentoir de Monsieur LePen, érafle au passage les 35 heures, qui selon elle ont précarisé les emplois, surtout les emplois des petites gens. Ségolène dit alors que la gauche doit s'occuper de tous les thèmes, il n'y a pas de thèmes réservés pour la droite. Elle ne dit pas que la précarisation vient de ces multiples contrats de travail et de la législation du travail de plus en plus souple, que la gauche a contribué à mettre en place avec le grand cycle de la privatisation des services publics.

Bayrou est au-dessus de cela. Il le sait depuis longtemps, pour lui c'est démodé et ringuard les notions de gauche-droite, il faut établir des majorités ponctuelles de travail sur des points précis et travailler au consensus. Il n'y a pas de grands projets de société pour lui, il faut travailler, réformer et maintenant refonder la République. Il rejoint Arnaud Montebourg, qui lui, va peut-être franchir l'Arno. Encore faut-il avoir le courage de s'opposer au P(S) qui n'est qu'une machine à cadres.

(Tiens! A l'heure où je vous écrit, on chante dans la rue "on a gagné". Les dalles-plasma sont aussi transcourant. Je suis sûr que Sarkozy ne va donc pas ramener à la frontière certains joueurs implantés par l'immigration choisie. Je suis heureux ce soir, la France en transe est transethnique et transcende sa médiocrité un soir d'été sur le sofa. J'aime la France, je reste.)

Voici que Monsieur Sarkozy met une couche supplémentaire et devient transclivage. Il découvre les patrons-voyous qu'il veut contraindre au Karcher. Cela fait beaucoup de bruit, mais, comme lors de la crise des banlieues, il cache sciemment sa cible pour n'offrir qu'un épouvantail, et donc un leurre aux parangons des nettoyages ethniques républicains. De la banlieue il n'a retenu que les petites frappes qui s'étaient dans les années 90 partagé avec les autorités communales diverses et de tout bord l'ordre dans les quartiers, moyennant la cébille tendue au cul des camions d'où tombaient des choses. Il préfère mettre mal à l'aise sur un autre registre, celui du for intérieur, toute une République, en lui demandant de chercher en elle ses traîtres, ceux qui ne s'y sentent pas bien. La France est depuis les décolonisations un modèle d'exclusion, Sarkozy y travaille et grâce à GéoPortail du GIGN il pourra voir les détails de 50 cm depuis son satellite.

Maintenant Sarkozy fait du slogan, installe un nouveau dogme, bétonne un nouveau paradigme en pointant le patron-voyou au lieu de travailler à modérer les conditions catastrophiques qui règnent sur le marché du travail, du flex-time et de la précarisation, de la dérèglementation, de la dérégularisation, et du CNE. Il obtiendra, pour sûr, dans les prochains jours, une mise sous-scellés des biens de l'un de ces nouveaux voyous, mais ne s'attaquera toujours pas à la Corporate Governance, qui met en place des Bernanrd Tapie, déjà lui, des J2M, des gens comme chez EADS avec leur attitude déprédatrice sur le capital social. Il ne veut pas moraliser les rapports sociaux même si dans son projet il veut "une France qui protège les français contre l'insécurité économique et sociale". Il dit qu'il faut stimuler les heures supplémentaires, que le français (celui qui a un travail), a le droit de gagner plus, au lieu de partager le temps de travail, avec les chômeurs, qui ne veulent pas retrouver du travail. Ceci doit être le mérite républicain.

 

Il n'a rien compris?

Il n'a rien compris. La troisième tranche des citoyens, celle qui offre son temps et ses compétences comme valeur, la valeur du travail, et la quatrième tranche, celle qui est au chômage, ne veulent pas être protégées, elles veulent retrouver la dignité et obtenir ce à quoi elles ont droit. Eh bien si! Sarkozy a tout compris, comme tous populistes - petits ou grands - il faut instiller la peur, l'insécurité viscérale, la haine du malfrat (étranger) de quartier ou du patron voyou autochtone. Sarkozy n'est pas raciste, il est juste dans ces haines. LePen y rajoute juste les franc-maçons.

Pour Sarkozy le citoyen ne peut être que déclive. Ce n'est pas un homme droit. Sarkozy, oedipien inversé, veut devenir le bon père de chacun d'entre nous et nous offrir la tape amicale que l'on mérite. Au passage même "la récompense du travail, le salaire, est un mérite républicain". Je me demande si les techniques de marketing politique, de marketing sociologique, de marketing psychologique de Monsieur Sarkozy, voire de Madame Ségolène, ne sont pas si voisines de celles des techniques de manipulations des sectes? Il faut monétiser. La chaire tricéphale de ministre, de candidat et de directeur du parti n'est pas assez web-bombing.

Pour moi la récompense de mon travail est mon salaire et mon mérite. Mais si la seconde tranche de citoyens, les stake-holders, les dépositaires de tâches, les dirigeants d'entreprise, peut peut-être encore le comprendre, la première tranche de citoyens les share-holders, les détenteurs de parts, les actionnaires, n'a d'intérêt que de tirer son profit comme hedger, à très court terme en faisant de la spéculation sauvage, ou comme spéculateur placier, dont le développement durable d'une entreprise est sans intérêt. Et ce sont eux, les financiers et leurs analystes, qui dirigent tout (voir mon cours sur EADS).

Alors pour boucler la boucle et pour faire encore un peu plus déglutir les escargots de citoyens, Sarkozy relance l'idée de l'actionnariat populaire, idée chère à Chirac avec l'entreprise citoyenne et ce genre de bonmots. Moi j'appelle ceci - comme c'est présenté en fonction du cadre actuel sans morale civique des marchés des capitaux - le principe de la compromission universelle, qui a cours dans toute bonne dictature: donner à l'ouvrier, au petit, - peut-être sous une autre forme de mérite républicain - le petit avantage, sa stock-option destinée à rejoindre sa madone des cabinets. Un ouvrier actionnaire, est un ouvrier responsable, qui ne fera plus grève. Il sera le serpent qui se mord la queue.

Le serpentaire, lui, volera toujours au-dessus de sa tête.

Tant que l'on se demandera si une gauche a sa place dans le troisième millénaire, ou si les nonnistes sont des crétins, les petites affaires libérales continueront leur oeuvre. Donc, amis de gauche, il ne faut pas ne pas aimer les riches, il faut aimer les pauvres et les petites-gens et travailler pour eux.

Les citoyens de Leipzig, lors des manifestations du lundi soir à la fin de la RDA, criaient bien eux: "nous sommes UN peuple, nous sommes Le peuple. Je serais alors heureux d'entendre circuler dans les rues, tous klaxons marchands, les petites gens qui chanteront "on est passé". On ne gagne pas sur un autre, on fait avancer ses idées!! Il n'y a rien de plus crétin que d'entendre aussi à la fin des meetings politiques la Marseillaise, triste cadeau guerrier offert par le Strasbourgeois aux soldats qui combattaient l'Armée du Rhin.

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Lisez ma série détaillée de la Constitution européenne. Sa ratification aurait été une élégante manière de faire parapher, de manière déguisée, par le peuple la doctrine libérale qui est rappelée tout au long du texte de la Constitution, et pourquoi pas l'AGCS. (note du 30 XII 23006: la Directive Service votée en Décembre 2006 est la preuve que Bolkenstein est revenu et est définitivement applicable sous le libellé "liberté de prestation de services" et non plus sous "détachement de travailleurs").

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