Allemagne: Traité de Lisbonne rejeté par la Cour Constitutionnelle
Par Thomas, le Cimbre le 30. juin 2009, - Catégorie : Constitution, Europe solidaire - Lien permanent
La Cour Constitutionnelle allemande a rejeté en l'état le Traité de Lisbonne le 30 juin 2009 tout en indiquant qu'il est compatible avec la Loi Fondamentale allemande (Constitution allemande).
Toute l'Europe fait semblant de démontrer que la démocratie est inutile, voire qu'elle ne correspond pas aux nécessités des élites européennes. Chaque État s'est débrouillé de voler l'expression démocratique relativement au TCE, puis, suite au NON et au NEJ, et au NO irlandais relativement au Traité dit Simplifié (TSE) ou Modifié (TME) appelé plus communément Traité de Lisbonne, pour faire oublier qu'il a une force constituante par rapport au droit constitutionnel et parlementaire nationaux de chaque pays ratificateur.
Je vous ai expliqué le 12 novembre 2006 que l'Allemagne n'a pas ratifié le Traité Constitutionnel Européen.
Toute l'Europe avait feint de n'avoir à mépriser que le NON français, le NEJ hollandais et quelques "petits" États entrants de l'Europe Centrale.
Sur un recours du député de la CSU (Union Chrétienne Sociale, droite allemande avec son fief en Bavière), Peter Gauweiler, le TCE n'a jamais été validé par le Bundesverfassungsgericht, la Cour constitutionnelle fédérale allemande pour des raisons de non-conformité avec le Grundgesetz, la Loi fondamentale (Constitution allemande) et la seconde instance avait été reportée à 2009 à la fin de la procédure de ratification par tous les États membres partie au Traité de la Constitution Européenne. Hier, 29 juin 2009, le Cour Constitutionnelle allemande a siégé.
2006: Pas de ratification par l'Allemagne du TCE
En 2006, Le juge auprès de la seconde Chambre de la Cour constitutionnelle fédérale, Siegfried Broß, avait estimé en première instance qu'il manquait un tribunal pour les questions de conflit de compétence dans des questions de collision entre le droit national allemand et le droit européen. Siegfried Broß, s'était exprimé en faveur de l'organisation d'un référendum en Allemagne sur le TCE et l'avait signifié aux autorités du Bundestag allemand (Parlement, diète fédérale) et du Bundesrat (seconde Chambre, celle des Länder).
La Cour constitutionnelle fédérale ne s'était pas prononcée dans sa globalité quant au fond pour éviter de devenir elle-même co-rédactrice de la Constitution Européenne qui, selon elle était elle-même susceptible de connaître de profonds changements.
Je vous avais livré le site du Stern, et celui du grand quotidien Die Welt qui ne sont pas des gazettes de groupuscules "bruns-rouges" - comme des "élites" avaient nommé les nonnistes - mais qui sont un magazine du genre du Point ou du Nouvel Observateur et un grand quotidien national comme le Monde.
La décision de 2006 était un sérieux revers pour la chancelière allemande Angela Merkel qui voulait profiter à l'époque de la Présidence tournante à la tête de la Commission européenne pour faire avancer le dossier et continuer à forcer la main des gouvernements français et hollandais, suite au déni majeur de démocratie du Parlement européen qui avait eu lieu le 14 juin 2006 à Strasbourg avec deux textes qui enjoignaient de manière musclée à faire faire revoter la France d'une manière ou d'une autre le texte du TCE. Ce n'était qu'un Putsch Constitutionnel organisé par les Euro-Députés au Parlement Européen de Strasbourg.
2009: Quel est le sens et la portée de la décision des juges constitutionnels allemands?
L'Allemagne va-t-elle demander à son tour comme le Royaume-Uni ou l'Irlande une batterie d'opting out, ces dérogations aux principes communautaires, aux Traités européens, aux Directives?
La Cour Constitutionnelle allemande avait été saisie de plusieurs plaintes de députés qui accusaient le Traité de Lisbonne d'affaiblir le Parlement allemand et d'être contraire au principe de la démocratie. Les plaignants s'estimaient lésés dans leurs droits fondamentaux.
La Cour Constitutionnelle allemande a stoppé avec son arrêt du 30 juin 2009 la procédure de ratification par l'Allemagne du Traité réformé européen, appelé Traité de Lisbonne, même si les deux chambres (Bundestag et Bundesrat) allemandes avaient voté la loi de ratification qui l'approuve. En attendant l'arrêt de la Cour Constitutionnelle allemande de Karlsruhe, le Président allemand, Horst Köhler, ancien Directeur du FMI, avait lui-même suspendu sa signature permettant de promulguer cette loi de ratification pour le Traité de Lisbonne.
Selon la Cour Constitutionnelle allemande, les outils de ratification votés par les deux Chambres allemandes sur l'élargissement et le renforcement de leurs pouvoirs dans les affaires concernant l'Union Européenne constituent une violation de l'Article 38, § 1 en relation avec l'Art. 23, § 1 de la Loi Fondamentale (Constitution) avec le motif que l'étendue et la forme des droits de participation des deux Chambres allemandes ne sont pas suffisamment clarifiés et développés. Selon la Chambre Constitutionnelle les droits de co-décision des deux Chambres sont insuffisants et "l'Union Européenne ne peut être réalisée sans qu'il ne subsiste un espace suffisant dans les Pays membres qui permette l'organisation politique des relations économiques, culturelles et sociales. Ceci concerne en particulier les domaines qui influencent la vie des citoyens, mais aussi les décisions politiques qui dépendent étroitement des situations antérieures et qui ont fait l'objet de débats et de décisions dans l'espace public des partis politiques et parlementaire".
Selon la Chambre Constitutionnelle allemande, en raison d'un "déficit de démocratie structurel" au niveau de l'Union européenne, les droits de co-décision du Parlement allemand doivent être clairement inscrits dans une loi: pour "garantir l'efficacité du droit de vote" des citoyens allemands et "veiller" à ce que l'Union européenne "n'outrepasse pas les compétences qui lui ont été octroyées".
Comme Électeur ou Abstentionniste Européen vous ressentez confusément que le Principe de subsidiarité en droit de l'Union Européenne, qui vise à privilégier le niveau inférieur (national, régional) d'un pouvoir de décision aussi longtemps que le niveau supérieur (européen) n'est pas capable d'agir plus efficacement, ne vous garantit pas des décisions arbitraires de la Commission de Bruxelles, ou de la CJCE (Cour de Justice de la Communauté Européenne / Cour de Justice Européenne, CJE). Regardez simplement les Directives Service (Bolkenstein 2) ou les arrêts Laval-Viking-Rüffert-Partneri si vous n'en êtes pas conscients. Aujourd'hui, le fait nouveau est que la Cour Constitutionnelle allemande se prononce ouvertement pour un renforcement des pouvoirs de décisions parlementaires et donc des électeurs dans les affaires européennes.
L'Article 23 de la Loi Fondamentale allemande violé par les outils de ratification du Traité de Lisbonne précise que "pour la réalisation de l'Europe unie, la République fédérale d'Allemagne participe au développement de l'Union Européenne qui s'oblige à respecter les principes démocratiques, d'État de Droit, sociaux et fédéralistes et le Principe de Subsidiarité qui garantissent au citoyen une protection égale dans le fond à la Protection d'une Constitution. La Chambre Haute (Parlement, Bundestag) et la Chambre Basse (des Länder) participent dans les affaires concernant l'Union Européenne."
Selon la Cour Constitutionnelle le Traité de Lisbonne est compatible avec la Loi Fondamentale allemande, mais "les outils de ratification de la République fédérale d'Allemagne pour le Traité de Lisbonne ne peuvent être déposés tant que n'est pas entrée en vigueur la nécessaire mise en œuvre légale des droits de participation parlementaire." Selon la Cour Constitutionnelle la violation de la Loi Fondamentale est avérée et le Parlement et la Chambre des Länder ne sont pas assez associées au transfert de compétence en direction de l'Union Européenne.
Pour éviter que les compétences de l'Union Européenne ne soient étendue en cachette la Cour Constitutionnelle allemande a demandé que le Bundestag (Parlement) donne son accord à chaque fois en légiférant quand l'Union Européenne obtient de nouvelles attributions sans modification par Traité. Jusqu'à présent le Bundestag ne pouvait faire valoir que son droit de veto ou ne pouvait produire qu'un avis. Pour les juges constitutionnels, un tel "Laissez-faire" (en français dans l'arrêt) est anticonstitutionnel. Les nouveaux devoirs du Bundestag ne peuvent être que définis dans une Loi d'accompagnement (outils de ratification, Begleitgesetz) au Traité de Lisbonne.
Pour la Cour Constitutionnelle: "Le Traité n'est pas assez participatif. Or nous ne pouvons bâtir l'Europe que de manière démocratique. L'Union européenne ne peut pas être seulement dirigée par des bureaucrates et des gouvernements".
Angela Merkel est décidée à finaliser rapidement la ratification du Traité de Lisbonne par la République fédérale d'Allemagne et le Bundestag (chambre haute du Parlement) doit se réunir en session extraordinaire le 26 août 2009 en vue d'une adoption le 8 septembre de ce texte d'accompagnement au Traité de Lisbonne.
La différence avec la France qui a fait passer le Traité de Lisbonne au Congrès de Versailles du 4 février 2008 grâce à l'abstention des députés et sénateurs du PS qui a permis d'éviter un second référendum, est que le peuple allemand aura droit à son débat... pendant les grandes vacances. Il n'y a avait pas de raison de convoquer le Bundestag pour une session extraordinaire au mois d'août parce que le second référendum irlandais n'aura de toute façon pas lieu avant le mois d'octobre.
Rédigé après l'échec du projet de Constitution européenne en 2005, le Traité de Lisbonne, censé rendre l'UE plus efficace et plus influente dans le monde, n'entrera en vigueur que s'il est ratifié par les 27 pays de l'UE. A ce jour, 23 pays l'ont ratifié. Son devenir est suspendu à la tenue d'un nouveau référendum en Irlande et à sa ratification complète en République tchèque et en Pologne.
Pour les "élites" européennes, la ratification du Traité de Lisbonne est primordiale, parce qu'il est à 97% l'équivalent du TCE (selon son rédacteur constitutionnel, Valéry Giscard d'Estaing) et qu'il consacre totalement le retour du § III du TCE sans en porter le Titre: "la concurrence libre et non faussée qui permet la création de richesses et qui tend au plein emploi". Les "élites" européennes ne voient pas du tout de contradiction entre le Traité de Lisbonne et les trillions d'euros versés par les États membres de l'UE aux banques et aux entreprises en situation de faillite à cause de la liberté de spéculer par laquelle ils ont accumulé les créances toxiques, pourries, illiquides, impactées... La Commission de Bruxelles fait à chaque fois semblant d'étudier le dossier d'un nouveau bail out en Europe pour voir s'il est compatible avec les principes de libre concurrence, mais donne son accord à ce qui n'est qu'une Europe providence bancaire. Les Travailleurs de Laval, Rueffert, Viking, Partneri ont eu moins de chance et la liberté syndicale a été déclarée être une entrave à la liberté d'établissement des entreprises et de circulation des Travailleurs.
Le nouveau dans cette affaire? La Cour Constitutionnelle s'est attribuée à elle-même une fonction de contrôle dans la poursuite de l'intégration européenne pour garantir la droit de vote des citoyens et l'autodétermination démocratique. Selon elle, il est nécessaire que la Cour Constitutionnelle veille à ce que Bruxelles ne viole pas l'aspect constitutionnel du Traité et n'outrepasse pas de façon manifeste ses compétences.
Heureusement qu'il existe encore une Cour Constitutionnelle qui se préoccupe de la démocratie pour le bien des électeurs et des crétins d'abstentionnistes.
Quel est le poids des gardiens de la Constitution face à l'auto-aliénation du Parlement?
Les aficionados du "marché libre et non faussé" - rehaussé du capitalisme déprédateur et appauvrissant d'État de cette gestion de la Crise - peuvent souffler, les juges constitutionnels de Karlsruhe se feront aussi retrousser leur toges par ceux-ci.
La Loi d'accompagnement sur l'élargissement et le renforcement des droits de la chambre haute (Bundestag) et de la chambre basse (Bundesrat) dans les affaires relatives à l'Union Européenne violent la Loi Fondamentale allemande (Constitution) parce les droits de co-décision ne sont pas suffisants. Cette partie de l'arrêt de Karlsruhe est d'autant plus remarquable que les juges constitutionnels ont laissé en l'état le Traité de Lisbonne. Les députés n'auraient jamais pu obtenir autrement une attestation plus claire de leur bâillonnement qu'ils opèrent sur eux-mêmes. En effet ce n'était pas des lobbies ou des forces obscures bruxelloises qui ont prononcé un arrêt sur la loi votée par les deux chambres allemandes. Ce sont bien ces deux chambres des représentants du peuple et des États fédérés allemands qui ont décidé de restreindre leur participation légale dans les procédures décisionnelles de l'Union Européenne.
Il est égal de savoir si les parlementaires allemands ont suivi par routine le gouvernement ou s'ils ne sont pas intéressés par l'Europe quand ils se sont pronocés en faveur du Traité de Lisbonne. Leur apathie donne un aspect douteux à l'habituelle critique face à Bruxelles, mais il plus important de savoir ce que le Parlement de Berlin va faire des injonctions des juges de la Cour Constitutionnelle allemande. Par quel grand enthousiasme le Bundestag et le Bundesrat s'intéresseraient-ils subitement à leurs droits de co-décision, qu'ils ont négligés jusque là selon l'arrêt des juges? Les commentaires qui font suite à cet arrêt confirment les doutes: tout le monde se réjouit du fait que plus rien ne s'opposera à la ratification par l'Allemagne du Traité de Lisbonne et que le Parlement allemand fera tout pour qu'elle intervienne le plus rapidement possible. Personne ne parle du contenu du Traité de Lisbonne. Une fois de plus le débat sur l'Europe n'a pas lieu.
Dans leur arrêt, les juges constitutionnels demandent au législateur allemand de faire usage de ses droits aménagés par le Traité de Lisbonne. Ce qui importe aux juges, c'est l'observation stricte du principe de mandat limité qui restreignent de manière significative les compétences de l'Union Européenne aux questions politiques explicitement définies par le Traité de Lisbonne. Dans son avertissement, la Cour Constitutionnelle se réfère au jugement de Maastricht de 1993 sur les actes uniques européens qui outrepassent les attributions et qui violent ce principe. Ce jugement n'avait pas non plus empêché le développement des règles de droit et des normes européennes parallèlement au Traité. Pourtant la Cour revendique une nouvelle fois pour elle-même une compétence de contrôle du mandat européen et elle signale au Parlement sa méfiance légitime. Avec son jugement, la Cour Constitutionnelle pose la question sur ce qu'elle va examiner à l'avenir, puisqu'elle a donné son accord sur le Traité de Lisbonne.
Au regard de tous ces jugements précédents, nous pouvons mettre fortement en doute la portée et l'efficacité d'un tel contrôle futur de la Cour Constitutionnelle allemande. Les juges constitutionnels ne veulent pas porter ombrage à leur fonction et leur mission et se mettent au service des Traités européens comme les parlementaires qui se bâillonnent eux-mêmes. Les parlementaire se mutilent de leur pouvoir législatif au bénéfice des Traités européens et les gardiens de la Constitution se mutilent de leur compétence d'examen, de contrôle et d'avertissement. Les juges constitutionnels et les parlementaires sacrifient en réalité les électeurs nationaux... qui se sont de toute façon abstenus aux élections européennes du 7 juin 2009. Le dernier maillon de contrôle, l'électeur se bâillonne lui-même. Quelle est donc cette Europe qui attire tous les pouvoirs? Elle est quelque chose comme un avatar, un artefact, un mirage qui a pris toute la place dans les consciences et les habitus de chacun des européens... au nom de... la concurrence libre et non faussée qui crée le bien-être... et tend au plein emploi (Terminologie officielle du Titre III du TCE comme du Traité de Lisbonne). L'Europe dispose de la compétence de la compétence. L'Européen n'est plus qu'une volatilité d'ajustement et il s'y soumet bien par abandon de sa volonté et de son autodétermination. A l'observer, je pense que l'Europe doit bien être une doctrine naturelle, un habitus principiorum, un principe de l'habitude et de la lumière de l'intellect. L'Europe dispose d'un pouvoir supranational qui n'est pas fédéral, elle n'est pas une pyramide de décisions, elle est un cube posé sur la décision citoyenne.
Oeconomicus principiorum et lumière de la libre concurrence
Pour comprendre que le système ordolibéral ne sera pas non plus ébranlé dans la Crise du Global Meltdown 2009 de manière démocratique et par le débat sociétal, il suffit de lire les commentaires d'un ancien juge constitutionnel allemand au sujet de cet arrêt de la Cour Constitutionnelle allemande. Il faut bien observer le filtrage et le choix sémantiques de cet ancien juge constitutionnel qui caractérisent ces élites européennes et leur pouvoir mental qu'ils exercent sur le mainstream et les influenceurs.
Selon cet ancien juge constitutionnel allemand, Paul Kirchhof, "c'est une bonne journée pour l'Europe et une bonne journée pour les citoyens. Le jugement de Karslruhe donne au Traité de Lisbonne un signal de modération. C'est aussi un signal fort pour l'économie: nous savons maintenant où mène la voie et où elle se termine. L'Union Européenne ne doit pas devenir un État. L'Allemagne reste un État souverain et conserve ses responsabilités pour sa structure économique et son droit économique. Les États-Unis d'Europe n'existeront pas en opposition à la Loi Fondamentale. Ni le Bundestag, ni le Gouvernement allemand ne sont autorisés à requérir une telle évolution. Et les représentants du gouvernement allemand seront encore plus liés à la volonté du Parlement allemand.
Il est fondamental que pour la première fois la Cour Constitutionnelle allemande a défini de manière explicite les devoirs qui doivent rester de la compétence d'un État démocratique. Parmi ceux-ci il y a les rentrées et les dépenses, les impôts et le droit du Parlement à légiférer dans les matières budgétaires. Ces devoirs restent de la compétence de chaque État Membre. Pourtant la taxe sur le chiffre d'affaire est déjà aujourd'hui presque totalement européanisée. La plus grande part de liberté d'action dans la détermination de l'autre grand impôt, l'impôt sur les bénéfices, doit être conservée par chacun des États Membres.
Le passage sur la politique commerciale est particulièrement significatif: le Traité de Lisbonne n'oblige pas les États à sortir de l'OMC. Ceci est un signe particulièrement fort en direction de la modération, de la réflexion et d'une action de correction. Le concept actuel – coexistence de partenaires de chacun des États et de l'Union Européenne – pourrait être un modèle pour la qualité de membre dans d'autres organisations économiques internationales et dans d'autres affiliations d'États. Pour le reste: l'Union Européenne est et reste un marché commun dans lequel la liberté de concurrence transfrontalière est garantie."
Dans son commentaire, ce juge constitutionnel allemand n'a évoqué que ce que le jugement de la Cour Constitutionnelle allemande a aussi évoqué dans un amalgame orienté: le droit parlementaire, l'autodétermination de l'État, le droit constitutionnel et les décisions d'ordre économique. Dans le jugement du 30 juin 2009 sur la compatibilité du Traité de Lisbonne avec la Loi Fondamentale allemande, il n'y a aucune allusion sur une Charte des Droits fondamentaux, qui a de toute façon été retirée du Traité de Lisbonne sur demande explicite du Royaume-Uni... qui a cette époque ne se dirigeait pas vers sa seconde banqueroute d'État de l'après guerre et vers son imminent sauvetage par le FMI, au même titre que le Zimbabwe
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Commentaires
Bonjour,
c'est avec plaisir que je... découvre seulement votre blog. Etant collaborateur d'assez longue date d'Etienne Chouard, j'imagine que ça fait un moment que j'aurais pu le découvrir (autrement que par son nom).
En plus des articles de la Loi fondamentale allemande que vous citez ici, je cite :
Article 38 [Élections] §1 Les députés du Bundestag allemand sont élus au suffrage universel, direct, libre, égal et secret. Ils sont les représentants de l'ensemble du peuple, ne sont liés ni par des mandats ni par des instructions et ne sont soumis qu'à leur conscience.
Art. 23 [L'union européenne] §1 [...] L'article 79, al. 2 et 3 est applicable à l'institution de l'Union européenne ainsi qu'aux modifications de ses bases conventionnelles et aux autres textes comparables qui modifient ou complètent la présente Loi fondamentale dans son contenu ou rendent possibles de tels compléments ou modifications.
Art. 79 [Modifications de la loi fondamentale]
1. La Loi fondamentale ne peut être modifiée que par une loi qui en modifie ou en complète expressément le texte. [...]
2. Une telle loi doit être approuvée par les deux tiers des membres du Bundestag et les deux tiers des voix du Bundesrat.
3. Toute modification de la présente Loi fondamentale qui toucherait à l'organisation de la Fédération en Länder, au principe du concours des Länder à la législation ou aux principes énoncés aux articles 1 et 20 [à savoir la charte des droits fondamentaux], est interdite.
L'exigence de la Cour constitutionnelle allemande est essentielle, et on peut surtout se demander pourquoi cela n'a pas été exigé dans les autres pays -- je crois que certains, la Suède en tous cas, imposent un contrôle parlementaire important sur le rôle que joue le gouvernement national au sein du Conseil.
Mais cela ne suffira pas. Ne serait-ce que parce qu'il n'y a pas de souveraineté possible sans droit à l'information.
A son niveau, l'UE n'impose aucune véritable garantie s'agissant d'informer dûment et en temps utile les parlements nationaux. C'est un peu logique. Mais le problème est surtout qu'elle pose les moyens de faire le contraire... (ah, si elle s'abstenait, là encore...) et que le devoir d'information en question est à la discrétion non pas simplement de chacun des gouvernements nationaux mais d'abord du Conseil en tant que collège.
En effet -- cf. l'art. TICE 207-3 (Nice) combiné à l'art. I-2 du protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne, annexé aux traités --, le Conseil, lorsque lui ou le COREPER étudient une proposition de la Commission (ou, parfois, préparent un projet d'acte législatif -- la proposition concrête émanant ensuite de la Commission, comme on sait) peut très bien décider de se comporter comme s'il n'agissait pas "en qualité de législateur", pour "préserv[er] l'efficacité de son processus de prise de décision"... ce qui lui ôte tout devoir d'informer les parlements nationaux.
Voir la note 4 de bas de page 1 du document intitulé "1001 menus pouvoirs du Parlement européen" que j'ai produit récemment -- on peut le télécharger par exemple ici : http://www.local.attac.org/rhone/ar...
C'est clairement ce qui a été fait dans le cas des projets de "directives Dracula" telles que la directive services (dite "Bolkestein").
Il me parait utile de souligner dans la foulée cette règle assez méconnue de l'UE [TICE 250] : lorsque le Conseil prend un acte constituant amendement à la proposition de la Commission, il ne peut le faire qu'à l'unanimité. Cela vaut en particulier dans la mal nommée "codécision", lorsque la Commission s'oppose aux amendements proposés par le Parlement européen (sauf en comité de conciliation -- à laquelle la Commission participe -- puis en troisième et dernière lecture). Mais cela vaut en fait tout le temps puisque la Commission a le monopole de l'initiative... (sauf dans quelques domaines ciblés : "constituant", judiciaire, monétaire, sécurité commune).
Autrement dit, quand les eurocrates émancipés, sous la pression des lobbies, font des projets "sensibles", du genre à indigner 80% de la population, il suffirait qu'un seul parlement national puisse faire son travail de base de contrôle de son gouvernement pour tout remettre en cause.
Bref, encore une toute petite avancée, rien d'un tant soit peu propre à garantir un début de démocratie dans l'Union européenne.
Nous avons là, au moins, une nouvelle occasion de réfléchir sur le fédéralisme. Car il est évident que l'affaire qui nous occupe ici vise la continuité entre parlements nationaux et gouvernements nationaux, donc Conseil. Dans le cas de l'Allemagne, il est logique que la question émerge comme appliquée au niveau constituant, et se focalise sur la subsidiarité : c'est l'analogie avec le système fédéral allemand, atypique, qui le veut. Mais rien n'empêche ici de généraliser un peu la question.
J'ai, donc, une nouvelle occasion de dire à qui veut l'entendre que, dans un système fédéral viable et non tyrannique, des gouvernements nationaux n'ont rien à faire au plan fédéral, sans parler d'y exercer les pouvoirs essentiels.
Les membres de la Chambre haute (Sénat fédéral, souvent appelé encore Conseil des États) y sont :
- soit élus au suffrage direct dans chaque État fédéré (États-unis, Suisse, Indonésie ; 56% des sénateurs en Belgique) ;
- soit élus au suffrage indirect par les parlements des États fédérés (Inde, 30% des sénateurs en Belgique) ;
- soit encore désignés par le gouvernement fédéral, lequel émane d'une chambre (basse) élue au suffrage direct et doit nécessairement tenir compte des équilibres dans la représentation tels qu'ils ressortent de l'élection générale (Canada).
On peut ainsi dire que c'est le souverain / législateur / représentant direct des citoyens de chaque État fédéré qui exerce indirectement le rôle de parlementaire au plan fédéral, en désignant les membres du Sénat fédéral.
Curieusement, le cas du Bundesrat allemand (le seul à ma connaissance) fait clairement exception à cette règle générale : ce sont les exécutifs des Länder qui composent la chambre haute fédérale (directement, d'ailleurs). Néanmoins, le Bundesrat, en principe / à l'origine du moins, ne prime jamais sur le Bundestag, sauf s'il s'agit de statuer sur les transferts de souveraineté et sur les lois qui impliquent le recours aux moyens institutionnels et/ou financiers des Länder -- seulement, "dérive de la subsidiarité" oblige, avec le temps son pouvoir s'est étendu à la plupart des lois, l'État fédéral se mêlant de plus en plus des affaires des Länder. En tous cas, les Allemands sont bien placés pour comprendre le problème. L'ennui est qu'ils sont moins bien placés pour comprendre que la présence d'exécutifs nationaux dans un parlement fédéral n'est pas chose courante... ni souhaitable. Ou bien il s'agit précisément d'exiger une très forte subsidiarité et, avant cela, une forte décentralisation. Faut savoir ce qu'on veut, quoi.
Un véritable État fédéral, donc, suppose que les gouvernements des États fédérés n'ont aucun rôle, direct ni même indirect, au plan fédéral. La deuxième chambre parlementaire fédérale doit émaner elle aussi des citoyens le plus directement possible (en pratique, on peut faire élire ses membres séparément par les parlements nationaux, voire les élire séparément au suffrage universel dans chaque Etat membre), et certainement pas d'exécutifs.
C'est le jour et la nuit au regard de ce que l'UE a toujours été et restera jusqu'à nouvel ordre.
Posons au passage que l'argument de la séparation par compétences est ridicule : dans toutes les matières de compétence européenne, le problème de la séparation des pouvoirs reste entier (et le reste suit, quand bien même on chercherait à "blinder" côté mécanismes de subsidiarité).
Curieusement, les ouistes les plus prompts à vous traiter de nationaliste, on ne les entend jamais inviter les gouvernements nationaux à rentrer au bercail...
En France, rien de tout cela. Je veux dire, dans les arrêts du Conseil constitutionnel. Car du matériau, il n'en manque pas.
Extraits de la constitution française (toujours supposée en vigueur) :
« Tout mandat impératif est nul » ; « Le droit de vote des parlementaires est personnel » (art. 27)
« La loi est l’expression de la volonté générale » (DDHC 1789, art. 6)
« La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision [de la constitution] » (art. 89.5)
« Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. » (DDHC 1789, art. 16)
« les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire » (art. 23.1)
Or l'article 16 TUE (traité de Lisbonne consolidé -- je n'ai pas en tête la référence pour le traité de Nice) indique que le Conseil est « composé d'un représentant de chaque État membre au niveau ministériel, habilité à engager le gouvernement de l'État membre qu'il représente et à exercer le droit de vote », et qu’il « exerce, conjointement avec le Parlement européen, les fonctions législative et budgétaire ». Littéralement, il s’agit d’un mandat parlementaire... Et l’analyse des traités UE confirme que les fonctions du Conseil sont vastes et décisives. Seulement, la forfaiture est maquillée : il faut passer par l’analyse intégrale du montage institutionnel européen pour démontrer que des termes juridiques comme « loi », « législatif », en principe employés de manière abusive dans les traités, peuvent être considérés au sens propre, ceci alors que la primauté du Droit européen ne fait même plus question pour nos diverses juridictions...
En principe, une loi a moindre valeur qu'une clause de traité. Il paraît donc étrange que la Cour juge, sur le fond, un traité compatible avec la constitution mais exige simplement qu'une loi soit ajoutée au dispositif permettant d'accepter sa ratification. J'en déduis qu'il s'agit nécessairement d'une loi constitutionnelle.
En tous cas, il semble qu'ainsi la Cour constitutionnelle allemande vient de réaffirmer la primauté de la constitution (nationale) sur les traités y compris ceux qui fondent l'UE. Ne rêvons pas trop : souligner clairement que les institutions de l'UE sont trop peu démocratiques n'a pas empêché la Cour de juger le traité conforme à la constitution... en citant ceux des articles de cette dernière qui sont supposés garantir la démocratie. (Note en passant pour notre hôte, rapport à son billet "Versailles" : épargnez un peu les "traitres" abstentionnistes, l'élection ne fait de toutes manières pas une démocratie, laquelle repose sur le tirage au sort combiné avec un sévère contrôle des éventuels représentants.)
Disons que du moins, l'arrêt semble ouvrir une voie très importante qui consiste à juger -- enfin -- de la constitutionnalité du régime formé par l'ensemble UE - État membre, et non pas l'un et l'autre comme s'ils étaient dissociables. Un pas nécessaire pour sortir de la schizophrénie sur laquelle repose en bonne partie le monstre qu'est l'UE actuelle.
Ce pas, à mes yeux, est surtout important car il repose d'une manière assez directe le problème du fédéralisme et celui du rôle des gouvernements nationaux au plan "confédéral" européen.