Elections Européennes 2009 - Dublin, la nuit du libéralisme
Par Thomas, le Cimbre le 7. décembre 2008, - Catégorie : Constitution, Europe solidaire - Lien permanent
Voici tel quel un mail que je viens de recevoir de l'un de mes étudiants qui fait une année d'échange pour son Master à l'Université de Dublin.
(Photo: Francis Bacon, Dublin, étude Pape Innocent X)
Thomas,
Il est 3h50 en France, seulement 2h50 en Irlande. Je rentre d'une soirée passée chez des amis américains qui avaient acheté le film "Persépolis" (Marjane Satrapi, excellentissime) pour faire une soirée de movie projection. Je me disais en voilà des gens plein de curiosité, même sur des sujets bien compliqués comme les réfugiés iraniens, dont ils pourraient à première vue n'en avoir rien à foutre. Voila pour la caricature des américains, incapables de voir plus loin que leur ventre supposé obèse. J'étais donc de très bonne humeur.
Et puis sur le chemin du retour j'ai assisté durant la demi heure de mon trajet jusque chez moi à un spectacle aussi nauséabond que pénible. A une heure du matin par -3° à Dublin, tu croisais en une demi heure dans la rue une dizaine de pauvre gens qui dorment par terre sur le sol gelé. J'ai dit "dormir" parce que je ne voulais pas dire "en train de crever", parce que ça me fait mal. Le cauchemar résidait dans le fait que tous les autres qui ne dormaient pas étaient en train de vomir-pisser-chier leur alcoolisme tout autour, dans une ambiance à l'obscénité insoutenable. Sinon en journée, on rencontrait dans la principale rue du centre-ville des militaires qui mendiaient des sous pour les hôpitaux, et un prêcheur cinglé, qui hurlait ses bouffonneries sur l'apocalypse à la foule...
Qu'est ce que la vie dans
cette capitale, que l'on nous vantait en permanence depuis 10 ans? Un profond
merdier, une grande ivresse vulgaire et absurde, de ceux qui ne savent pas si
demain ils ne seront pas à la place des misérables qui leurs tendent, le bras
frigorifié, un gobelet à la sortie de la boîte de nuit, sorte de lieu qui a
réalisé un syncrétisme local entre l'église et le pub. Ici tu comprends la crise
et cette récession. Tu vois la fragilité de tout un système absurde voué à un
grand "collapse". Je relativise la France et l'Allemagne devant la violence, les
traumas de la société d'ici. Ce ne sont plus des inégalités, ni même une
"fracture sociale", comme disait le grand Jacques C, c'est une société atomisée, dont les
petits noyaux se retrouvent parfois la nuit pour se défoncer ensemble. L'attitude
des gens ici me remplit d'un tel dégout, je ne comprends même pas comment ils
peuvent se comporter ainsi. A force, j'aurais presque l'impression que c'est moi
qui suis dingue, et tout les autres qui seraient raisonnables... Cette récession
va nous apporter une incalculable régression sociale, culturelle, éducative, que
sais-je encore... Nous n'avons pas fini d'en baver, mais en Irlande, on peut
déjà entrevoir le bout de l'horreur que ça va être. Effroyable.
Bonne
nuit,
P
Commentaires
Ce témoignage fait froid au dos!
On a l'impression qu'avec la maudite crise du libéralisme forcené, bientôt la pauvreté ne serait plus l'affaire des autres (les africains en particulier).
Je vous félicite pour votre lucidité!
Effrayant c'est certain, ayons conscience que les fameuses et fumeuses réformes libérales conduisent à une régression sans précédent sur le plan économique, sociétal, démocratique. La commission, le président et les chefs d'Etat de l'UE vont faire revoter les Irlandais sur le TME. Du libéralisme dans toute sa splendeur, un parfait déni démocratique, soit on ne tient pas compte du vote démocratique des citoyens en ratifiant par le parlement, soit on lui demande de revoter jusqu'à ce que le résultat soit conforme aux vœux de l'oligarchie dominante. Cette nouvelle forme de démocratie les socialistes Royalistes ont tenté de l'appliquer pour la désignation de la premier secrétaire. Pas mal non. Alain
Tu oublies ce que vient de faire Martine Aubry, ouiouiste au Référendum du 29 mai et qui a soutenu l'abstention du PS au Congrès du 4 février 2008 à Versailles pour enterriner le Traité de Lisbonne. Royal, Aubry, et maintenant Benoit Hamon qui est dans l'équipe Aubry, ce ne sont pas des socialistes mais des sociaux-démocrates acquis à la cause ordo-libérale.