Echec de la Conférence sur la Bio-Diversité - Biopiraterie, OGM, Mutagène, pas de cadre juridique
Par Thomas, le Cimbre le 16. mai 2008, - Catégorie : Zone Hors AGCS, hors ADPIC - Lien permanent
Du 12 au 16 mai 2008 s'est tenue la Conférence alternative sur la Diversité biologique en réplique à la Conférence éponyme (CDB) organisée par l'ONU et qui n'a pu enregistrer que des blocages et des bavardages érudits qui ont au moins le mérite de lancer sur la sphère médiatique (de quelques cercles filtrés, mais surtout du Web) des thématiques et des analyses approfondies et documentées.
Le plus important a été la tenue de la Conférence alternative. C'est comme pour le FSM (Forum Social Mondial) qui est l'anti-matière de la réunion du club de Davos, ou les P8 de Bob Geldof, les forums de la pauvreté, les contre-G8 qui se tiennent à quelques lieues des scénographies officielles des G8, comme celle de Heiligendamm. C'est aussi comme pour le dernier G4 de Potsdam auquel le G21 n'a pas été invité. L'hémisphère Nord se donne en spectacle pour rappeler au reste de la planète qui domine et qui manifeste l'intention de dominer encore longtemps. Les sommets de la pauvreté ont encore de beaux jours devant eux et je suis très heureux qu'ils rassemblent de plus en plus de participants et qu'ils soient de plus en plus médiatisés. De toute façon, le Web et le Web 2.0 sont aussi là pour diffuser leurs enseignements puisque les partis politiques et les Parlements ne font pas ce travail. Ils ne peuvent en effet pas être politiques et faire de la politique tout en comptant leurs annuités à cumuler pour la retraite.
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La Convention sur la Diversité Biologique (CDB): ouverte à la signature au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992, la Convention sur la diversité biologique est le traité international pour la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité et le partage équitable des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques. En 1992 soufflait encore le bon vent rafraichissant de la liberté et de la démocratie après la Chute du Mur de Berlin et du block de Varsovie. Des idées généreuses circulaient à côté du "Partage des Dividendes de la Paix" de la "Grande Maison Commune". Mais déjà disait en même temps Ronald Raegan "we won the cold war" ce qui en disait très long sur la suite de la main-mise planétaire à opérer de manière commerciale. L'Uruguay Round, le Gatt puis l'OMC prirent alors l'essor avec les accords sur les ADPIC et l'AGCS pour réaliser un essorage de la planète et de leurs accessoires grouillants, les animaux, les plantes et les hommes qui y vivent, et pour les derniers, belligérants, qui la colonisent.
Avec 191 Parties, la CDB de Bonn a eu une participation quasi-universelle parmi les pays qui se sont engagés à préserver la vie sur Terre. La CDB vise à aborder toutes les menaces à la biodiversité et aux services écosystémiques, y compris la menace des changements climatiques, à travers des évaluations scientifiques, le développement d'outils, des incitations et des processus, le transfert de technologies et de bonnes pratiques et la participation pleine et active des parties prenantes, y compris les communautés autochtones et locales, les jeunes, les ONG, les femmes et les milieux d'affaires. Le siège du Secrétariat de la Convention est situé à Montréal, au Canada.
Je vous livre ici le graphique édité par le PNUE (Programme des Nations Unies pour l'Environnement) sur lequel vous pouvez observer dans les zones virant sur le rouge que la disparition des espèces variétales et des races animales touche surtout le Sud (les ethnocides biotechnologiques n'y figurent pas, ce ne sont que des races humanoïdes, des imposteurs). Le nombre s'élève à 130 par jour, et les zones des Pays émergeants, le Mexique, l'Amérique latine, l'Afrique du Sud, l'Inde, la Chine, les Tigres de l'Asie du sud-est en sont les principales victimes avec l'Australie. La destruction biotechnologique est directement liée au décollage économique des pays de ces territoires.
"La rénovation de la diversité agricole des cultures et du bétail soutenue par un système de soutien naturel fonctionnel de la communauté internationale est la meilleure solution à long terme pour répondre aux défis alimentaires mondiaux", a déclaré M. Ahmed Djoghlaf, Secrétaire exécutif de la Convention sur la diversité biologique à l'ouverture de la conférence mondiale, le 12 mai 2008 à Bonn, en Allemagne.
La réunion des 191 s'est tenue à Bonn où la communauté internationale s'est confrontée à l'une des plus graves crises alimentaires de l'histoire moderne. Les prix des produits de base - blé, maïs, riz - sont à des niveaux records, et les stocks alimentaires mondiaux ont atteint des baisses historiques. En effet, l'un des défis les plus importants auxquels l'humanité est confrontée est de nourrir une population croissante dans un monde, de plus en plus urbanisé, confronté aux effets combinés des changements climatiques et de la perte sans précédent de la Diversité biologique. Après avoir produit des surplus alimentaires en "montagnes" et inondé les marchés internationaux de produits subventionnés et donc après avoir cassé les réseaux agricoles et locaux de production des pays du Sud, l'Europe organise à présent la raréfaction des denrées agricoles pour faire augmenter, à la déloyale, les cours de ses produits agricoles, et donc pour continuer à casser l'agriculture des pays du Sud. Est-il nécessaire que les africains du Burkina Faso s'alimentent avec du lait en poudre importé du Nord alors que le lait des vaches africaines est encore plus hors de prix?
La rénovation de la diversité biologique dans l'agriculture, y compris les moyens de faire face aux effets néfastes des changements climatiques a été l'un des principaux points de discussion de la CDB. "L'agriculture est considérée comme un excellent exemple de la façon dont les activités humaines affectent profondément le système écologique de la planète" a déclaré M. Djoghlaf. "Au cours des 50 dernières années, les humains ont modifié les écosystèmes le plus rapidement et le plus profondément qu'au cours de toute autre période de l'histoire humaine. En effet, plus de terres ont été converties à l'agriculture au cours des cinquante dernières années qu'au cours des deux siècles précédents. C'est pour cela que la Diversité biologique et l'agriculture étaient au programme de la conférence de Bonn."
Depuis l'aube des temps, l'homme a utilisé plus de 7000 espèces variétales (plantes) pour répondre à ses besoins. Au cours des 100 dernières années, nous avons cessé de cultiver 3/4 des variétés de cultures que nous cultivions pour ne compter que sur 3 d'entre elles - blé, riz et maïs - pour plus de 2/3 de nos calories. Cette augmentation de la dépendance sur un nombre limité de la diversité biologique aggrave considérablement le risque global en vue de trouver de la nourriture pour nourrir une population croissante dans un contexte de réchauffement planétaire. Cette dépendance sur ce nombres limité d'espèces variétales a privé le paysan autochtone de son génie d'agriculteur et d'obtenteur et de sa capacité à adapter ses activités en fonction des variations des terroirs et des conditions de son environnement immédiat et en fonction des variations des pluviosités et des variations climatiques de plus grande ampleur. Cette dépendance et le primat du productivisme font entrer tout naturellement ces dernières espèces variétales naturelles destinées à l'alimentation dans le minuscule entonnoir des OGM et des Mutagènes qui promettent selon leurs promoteurs des rendements à l'hectare inégalés et une résistance phytosanitaire et aux autres agents perturbants d'une ampleur inouïe, et qui remplissent les caisses des groupes agroalimentaire en détenant le monopole comme RiceTec inc. (brevet sur le riz Basmati) ou Monsanto (brevet sur la technologie Terminator pour toutes espèces variétales, ou Coton BT, ou les porcs OGM).
La Conférence sur la Diversité Biologique (CDB) de Bonn a aussi abordé le rythme accéléré du déboisement. Chaque minute, 20 hectares de forêts disparaissent. Chaque année, plus de 10 millions d'hectares de forêts sont détruits. Alors que 80% de la Diversité biologique se trouvent dans des forêts tropicales. La conférence a eu lieu deux ans avant la date limite pour atteindre l'Objectif de la Diversité biologique de 2010, adopté en 2002 par 110 chefs d'États pour réduire de manière significative le rythme actuel d'appauvrissement de la biodiversité aux niveaux mondial et national d'ici à 2010, comme une contribution à la réduction de la pauvreté et au bénéfice de toute forme de vie sur Terre.
Les participants à la CDB de Bonn 08 avaient voulu s'accorder également sur une feuille de route pour achever d'ici à 2010, la négociation d'un ensemble de règles sur l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages découlant de leur utilisation. Le "Régime international sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation" aurait dû être un outil majeur pour assurer la mise en œuvre de l'Objectif du Millénaire de l'ONU pour le développement et l'élimination de la pauvreté. Je vous invite plutôt à vous documenter auprès de l'ONG Oxfam au sujet des objectifs du Millenium pour disposer de la compréhension des petites-gens de cet aspect et de ce prospect.
M. Achim Steiner, Secrétaire général adjoint et Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) a dit: "Notre planète a connu cinq extinctions majeures au cours des millions d'années de la vie sur Terre. Une sixième extinction majeure est en cours actuellement, occasionnée pour la première fois dans l'histoire, principalement par les impacts humains. Au cours des prochaines décennies, le rythme de disparition des espèces pourrait atteindre 1000 à 10.000 fois le taux actuel. Ce n'est rien de moins que le démembrement des actifs du monde naturel et du capital de la nature, des forêts et des récifs coralliens aux systèmes fluviaux et des sols".
En lisant tous ces jolis § vous vous sentez comme moi entourés de beaux linges et vous avez l'impression d'avoir droit au bismarck sans confession, la langue pointé - dans notre république laïque - vers un doux haribo (Hans Riegel Bonn, fabrique de nounours). Mais sous l'épaisse peau de l'oeuf, le reptile parfaitement constitué des accords sur les ADPIC, des milliers d'Accords Bilatéraux plus déprédateurs que ceux de l'OMC et qui lui succèdent après l'échec de Doha qui s'est étiré de 2001 à 2007, le reptile parfaitement constitué des Accords de Partenariat Economique (APE, le kit pour tuer) avec l'UE encore bien plus violents que l'OMC, ce reptile totalement et parfaitement constitué organise autour de lui dépeçage et destruction systémiques des PED et des Pays ACP. Les États membres parties à la Convention sur la Diversité biologique ne sont parvenus à aucun accord sur la question de la responsabilité juridique pour les dommages commis par les techniques génétiques liées à l'agriculture. Le principe d'une réglementation a été adopté, comme au dernier G8 de Heiligendamm en juin 2007. Les décisions concrètes sont repoussées à 2010; pendant ce temps, Angela Merkel, chancelière allemande, clame, comme au dernier G8, un grand succès de la CBD.
A l'avenir les États contractants et leurs grands groupes agro-alimentaires et semenciers ne sont toujours pas soumis à une loi et leur responsabilité environnementale, civile, pénale et économique n'est toujours pas mise en cause en cas de dommages commis sur la santé. Le communiqué final de la CDB est aussi muet sur la question de la contamination de champs conventionnels par des plants transgéniques. Selon le délégué allemand à la CDB, "il ne relève pas de la compétence de la Conférence sur la Diversité biologique de statuer sur ce point". La question de la charge de la preuve y est, elle aussi, restée en suspens. La charge de la preuve incombe au plaignant. Selon le délégué allemand, cette position est conforme à la Directive européenne (Livre blanc sur la Responsabilité environnementale).
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Revenons sur les notions de dommages, de risques, de responsabilités en cas des OGM qui n'ont pas été traitées par la Conférence sur la Diversité biologique de Bonn, 2008. Pour faire jouer la responsabilité civile d’une entreprise semencière ou d'un agriculteur ayant semé des semences transgéniques, il faut qu’il y ait un dommage, pas seulement un risque. On pourrait attaquer la puissance publique sur la base du principe de précaution. Mais comment constater un dommage si les fonctionnaires chargés de contrôler le déroulement des essais, de fait, ne le font pas et n’en ont pas les moyens techniques. Si on ne peut pas se retourner en responsabilité vers les entreprises, alors il faut le faire vers la puissance publique qui a accordé ces autorisations de semer des semences transgéniques.
Il existe un débat dans la doctrine juridique sur l’évolution de la responsabilité civile. La question est: "peut-on engager une action en responsabilité préventive, avant que le dommage soit constaté ou avéré?" En droit civil, la responsabilité est restreinte au passé. Elle est essentiellement curative: réparer les dommages causés. Il existe un courant doctrinal grandissant, même au niveau de l'Union Européenne, qui soutient l’extension de la responsabilité à l’avenir. Mais des résistances existent pour limiter la responsabilité civile au curatif. Le fondement pour étendre la responsabilité civile à l’avenir serait le principe de précaution. La question de l’application du principe de précaution à la responsabilité civile est celle de savoir si la responsabilité civile doit évoluer par le juge et la jurisprudence ou par le législateur avec une loi sur la responsabilité préventive.
Le principe de précaution dans la charte de l’environnement ne concerne pas les risques sur la santé ce qui en limite la portée. Par ailleurs, le principe de précaution est un guide pour les politiques, mais il ne donne pas les moyens pour le citoyen d’aller en justice. Dans le cas des OGM, la définition de la pollution est déjà source de polémique. Pourquoi ne pas se situer plutôt sur le terrain des libertés individuelles et publiques? En effet, la contagion limite de fait la liberté des producteurs, des consommateurs et même de la libre concurrence. La jurisprudence et la doctrine évoluent selon les mentalités et c’est plutôt sur cette voie qu'il faut s'engager pour agir. Mais a-t-on intérêt à faire entrer la question de la nocivité des OGM dans les cours de justice? Il y a trois terrains où faire entrer la controverse: celui des autorités scientifiques comme l'Académie des sciences, celui de l’expertise de scientifiques cités comme témoin devant les tribunaux, celui d'expert auprès des tribunaux, ce qui aurait plus de poids. Mais un juge ne tranchera pas un débat scientifique...
La notion de préjudices causés par des contaminations des semences conventionnelles dues à la dissémination des semences transgéniques n'a pas été traitée à la CDB de Bonn. Quels sont les préjudices? La responsabilité civile exige un préjudice certain alors que le principe de précaution considère un préjudice prévu. Il existe trois types de préjudices: à réparer, à faire cesser, à prévenir (principe de précaution). Le principe de précaution ne couvre pas n’importe quels risques: il faut que les risques soient graves et collectifs. Qui peut agir? C'est quelqu’un qui représente un intérêt collectif: une association, une commune.... Contre qui agir? Qui est responsable du titulaire de l’autorisation de semer des semences transgéniques ou de l’autorité qui l’a délivrée? Le détenteur de l’autorisation doit-il être mis en cause? Le principe de précaution concerne tous les décideurs qui ont le pouvoir de prévenir: les producteurs, les groupements professionnels, les branches professionnelles. Quel effet? Le juge civil est libre de prendre toute mesure pour faire cesser le risque. La question de l’application du principe de précaution à la responsabilité civile est celle de savoir si la responsabilité civile doit évoluer par le juge et la jurisprudence ou par le législateur et une loi sur la responsabilité préventive. De ceci, la Conférence de Bonn n'a pas débattu.
La responsabilité pénale s’est tardivement intéressée au monde des affaires. Le droit pénal s’est d’abord intéressé à contenir les agressions, les destructions et les atteintes à l’autorité de l’état. C’est dans les années 50, 60 qu’est apparue la répression pour abus de gestion (abus de biens sociaux ...). Ces lois ont pour objet de protéger les actionnaires. Ensuite le législateur, suite à de grandes affaires (frégates de Taïwan...) s’est attaqué à la corruption. Le problème des affaires de corruption se trouve dans la difficulté d’en rapporter la preuve. Mais dans ces affaires il n’y a pas de victime: c’est l’ensemble de la société qui est victime. Cela rend difficile l’action des associations écologiques de la Société civile et des Verts. Quels outils et comment pourrait-on les utiliser dans la lutte contre les OGM? A la suite des anglo-saxons, on a récupéré l’outil pénal pour mettre en cause des multinationales sur leurs agissements dans les pays du tiers-monde. L’intérêt est qu’un procès pénal est médiatique, il permet de sensibiliser l’opinion publique à un problème. Il faut ensuite définir l'objet de la plainte: l'interdiction des OGM, la protection de l’environnement et la minimisation de la diffusion des semences transgéniques, la lutte contre l’agriculture intensive et la marchandisation et la monopolisation des semences, le brevet sur le vivant? Ces questions n'ont pas été traitées à la Conférence sur la Diversité biologique, alors que la disparition des espèces variétales et des races animales est en majeure partie liée au mode d'exploitation agricole, forestier, de la sylviculture, etc... L'autisme des délégués de la CDB de Bonn est affligeant.
Les OGM pourraient présenter un risque pour la santé humaine comme le cancer, mais aussi la santé des animaux sauvages et domestiques? Le problème est non seulement de prouver le risque mais de l’isoler. Dans un environnement cancérigène comme le notre comment prouver que ce sont les OGM et seulement eux qui sont la cause d’un cancer? Ceci est un frein très clair pour établir les faits. Il existe aussi des dispositions pénales dans le code de la consommation par rapport à la fraude comme la publicité mensongère et le tromperie sur les paquets d'emballage. Il faut vérifier que les multinationales tiennent leurs engagements. Elles adoptent des codes éthiques qui ne les contraignent pas, mais il s’agit alors de publicité mensongère. La tromperie pourrait concerner les aspects contractuels, comme pour le paysan qui cultive des OGM sans le savoir. Les producteurs d’OGM annoncent que leurs semences permettent d’économiser des pesticides alors que l’on constate qu’en réalité il n’en est rien. Dans le cas des OGM qui produisent une protéine insecticide, celle ci est différente de la protéine homologuée, le gène est tronqué. Il y a aussi le problème des OGM contenant un gène de résistance à un antibiotique. Il n’existe aucun consensus scientifique pour dire que ces OGM risquent de produire des bactéries résistantes aux antibiotiques.
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Les OGM sont des organismes vivant dans le patrimoine génétique desquels on a inséré un ou plusieurs gènes. Les OGM sont des organismes nouveaux qui nécessitent un droit nouveau. La particularité des OGM, c’est que la pollution qu’ils provoquent va continuer à s’opérer en dehors de la source: même si on arrête la production de l’OGM, le gène transmis à d’autres organismes va continuer à polluer. C’est le problème de l’auto-multiplication. Un autre problème est de définir ce qu’est un dommage à l’environnement, à partir de quel seuil on considère qu’il y a dommage. Autour des ports japonais on trouve du colza OGM alors que le Colza n’est pas cultivé au Japon. Est-ce un dommage? La technologie OGM est impossible à contrôler. L’affaire du maïs Syngenta BT 10 le montre. On a mis quatre ans à s’apercevoir que c’est le BT10 (non autorisé) qui était commercialisé sous le nom de BT11 (autorisé). Ce même BT10 a été utilisé en Europe dans ce que l’on croyait être des essais de BT11. Il faut prévoir le dommage et un fond d’indemnisation pour les victimes, abondé par les producteurs. Pour saisir la justice il faut faire la preuve du dommage, donc arriver après l'accident environnemental, et attaquer le responsable: si plusieurs compagnie font différentes cultures BT, qui est responsable de l’augmentation de la résistance à l’herbicide?
La directive européenne sur l’environnement exclu les OGM. Peut-on enlever les exclusions dans les transpositions nationales des Directives européennes et faire jouer le droit de subsidiarité? La Toscane en Italie, mais aussi la Suisse montrent que l'on peut déclarer une région, voire un pays entier comme Zone hors OGM. Nous le verrons plus bas dans mon analyse. Il n’y a pas que le bio qui est hors OGM, de plus en plus de labels excluent les OGM de leur cahier des charges. Le Protocole de Carthagène sur la Prévention des risques biotechnologiques relatifs à la Convention sur la Diversité biologique couvre les mouvements transfrontières d’OGM et définit dans quelles conditions un État peut refuser des importations d’OGM, mais il ne couvre pas les cultures. Il faut travailler sur la responsabilité des producteurs d’OGM au sens des titulaires des autorisations: ils doivent être financièrement responsables en cas de dommage. L’ensemble de la chaîne de responsabilité doit être mis en cause, en dehors du dernier maillon: le paysan qui a pratiqué la culture. Travailler sur la responsabilité en cas de dommage n’est-ce pas déjà admettre les OGM? Le principe de réversibilité appartient au credo des néolibéraux. Or il est incompatible avec les OGM.
La Mission Le Déaut a rendu au Parlement français son rapport. La transposition de la Directive européenne 2001-18 sur la dissémination d'organismes génétiquement modifiés (OGM) dans le droit français se ferait par une loi disant que le Ministre définira les mesures concrètes pas décret. Au niveau Européen, il existe un droit à la coexistence (OGM, non-OGM), or les OGM sont un système qui s’impose aux autres. Ce droit est aussi à double tranchant. Selon la vision de la coexistence par la coexistence: c’est au nouveau système agraire d’assurer le coût de la coexistence et les risques. Cela signifie aussi que si on veut faire du bio dans une zone où les OGM sont implantés, c’est au bio d’assurer la coexistence. La Diversité biologique est menacée par la dissémination des OGM. Pourquoi la Conférence sur la Diversité biologique de Bonn s'ingénie-t-elle à ne pas assumer sa compétence dans ce domaine?
Dans la loi allemande, il y a deux avancées juridiques: 1) la responsabilité collective des producteurs d’OGM. Le paysan contaminé n’a plus besoin de prouver comment il a été contaminé du moment qu’il a des voisins qui cultivent les OGM. 2) l’obligation de déclaration des parcelles avant semis. Mais la loi allemande pose des problèmes. La responsabilité repose sur le paysan producteur et non pas sur la multinationale agro-semencière. La loi ne dit rien pour les autres cas de contamination par la filière, par la récolte, le séchage, la semence ... Les paysans sont freinés pour produire des OGM par la peur de contaminer leurs voisins. Mais cela ne vaut qu’en Allemagne de l’Ouest. Dans les nouveaux Länder allemands la taille des propriétés fait que l’on peut cultiver des OGM en s’assurant de ne pas contaminer ses voisins. De fait, cela donne un avantage aux gros paysans et participe à l’élimination des petits paysans. Une concentration accrue des cultures est en cours en Allemagne de l'Est au détriment de la Diversité biologique. Cette concentration agraire et des cultures se fait à un rythme surmultiplié dans les PED et les Pays ACP pour des raisons de productivisme, puisque dans ces pays l'éthique environnementale d'État ou une législation contre les OGM existent encore moins que dans l'hémisphère Nord.
Faut-il prévoir un fond d’indemnisation contre les risques causés sur la santé des consommateurs ou des animaux ou par la dissémination des OGM? Le risque de faire porter la responsabilité sur l’obtenteur est que les firmes provisionnent ce risque et donc que cela ne les dissuade ni ne les responsabilise. Il existe au Danemark un fonds abondé par toute les filières y compris par les exploitants bios. Mais ce fonds déresponsabilise les auteurs et on constate que les victimes ne sont pas mieux indemnisées.
La meilleure piste semble toujours issue de la volonté de préserver la Diversité biologique à l'aide de la primauté du droit à la défense des systèmes agraires sur le droit à la coexistence. Cette primauté est par exemple invoquée par les italiens. En Italie, il n’existe pas d'agro-semenciers nationaux et les OGM trouvent une forte résistance. La notion de système agraire couvre non seulement la défense du bio, des AOC, mais aussi d’une occupation du territoire, de l’emploi. La Communauté Européenne cherche à casser ce droit, toujours en vertu du Traité de Rome et au nom de la libre-circulation des produits, de la libre installation des entreprises, de l'obligation à garantir toute forme de non-restriction entre les États membres parties à l'UE. Pour l'instant la Commission n'a pas réussi à casser la voie italienne (voir plus bas l'exemple de la Toscane).
Traiter de la question de la préservation de la biodiversité avec la seule coudée des OGM est une erreur. Il existe la Mutagenèse dirigée: cette nouvelle technologie permet de modifier le gène par rayon ou par d'autres techniques similaires, toutes couvertes par des brevets d'invention (sur le vivant). Elle devient économiquement rentable grâce au séquençage qui permet d’accélérer le repérage des mutations intéressantes qui auparavant nécessitait plusieurs générations de cultures chez les obtenteurs. Mais comme il n’y a pas de transgenèse (ajout de gène extérieur) elle n’est pas vue comme un OGM. Il existe déjà des semences de ce type dans le catalogue européen. La loi européenne permet maintenant de les protéger aussi par brevet. Il faut savoir si on prend la définition étroite des OGM (celle de la Commission Européenne) ou si on prend une définition plus large (par exemple celle de l’IFOAM, International Federation of Organic Agriculture Movements). Il vaut mieux une stratégie basée sur la défense des systèmes agraires et la responsabilité de l’obtenteur. Il n'existe pas d’accord Européen et la dernière Conférence sur la Diversité biologique de Bonn n'a pas organisé de débats pour tous ces sujets ni d'accord futur.
Si la Conférence sur la Diversité biologique n'a pas voulu voir étendu son domaine de compétence aux risques issus de la consommations d'aliments composés d'OGM et aux risques issus de la dissémination des OGM, elle a simplement oublié que la seconde appellation de cette Conférence est "Conférence sur la Sécurité biologique". Il est d'ailleurs aussi étonnant que selon les sources les nombre des États membres qui y ont participé varie beaucoup: 146, 191, 147, 150... Mon analyse étant une synthèse d'une multitude de sources, toutes actuelles, et observatrices à cette dernière CDB en date, reflète aussi cette disparité de chiffres... Il ne s'agit donc pas de négligences de ma part.
Ce flou est à l'image du reste. Je pense que ce flou est encore l'image de la nolonté des gouvernants et des influenceurs face à cette question économique et juridique de ce que l'on pourrait simplement qualifier de délinquance économique et biotechnologique: la responsabilité environnementale, civile et pénale dans le commerce international des produits issus de la technologie génétique. Tant que n'existeront pas de règles internationales, les États n'auront pas de possibilité d'agir contre les grands groupes agro-alimentaires et semenciers. Une interdiction de l'importation de tels produits est de toute façon une restriction du libre commerce et une violation de l'Accord de l'OMC, des accords bilatéraux entre États, des Accords de Partenariat Économique, des accords sur les ADPIC, du Traité de Rome, et in fine du Traité Européen Simplifié, soit le Traité de Lisbonne imposant toutes les libertés de circulation de tout et de plus encore et interdisant à tout État membre la moindre des restrictions à cette libre circulation. La Conférence s'est donnée deux années supplémentaires de discussions mais les attitudes inflexibles des participants et principalement du Japon et du Brésil au sujet d'une définition du dommage ne laissent rien présager de bon. Nous pouvons simplement observer le verrouillage de la Conférence sur la Diversité et la Sécurité biologique par certains États membres partie à la Déclaration de Rio, voire du plus grand nombre. Une hypothèque est imposée à la planète. Avec de telles conférences, les autorités gouvernementales, européennes et internationales perdent en crédibilité. Une reconquête des destins humains par la politique proviendra sûrement de la reconquête citoyenne par la société civile. Il ne faut pas compter, en ce qui concerne la France, sur le PS qui se contente, en s'imaginant faire partie de la diversité politique du paysage français, d'une petite bidouillette parlementaire quand la Loi sur les OGM aurait dû passer en force sous la ciboulette de NS et de l'UMP.
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